Se rendre à Auschwitz ... et après ?

Enseignant ou élève , on ne revient pas intact d'un déplacement à Auschwitz. D'emblée, nous avions pris le parti de ne pas livrer , au retour, un compte-rendu de cette journée si singulière. Rendre compte de quoi ?  Rendre compte de ces lieux conçus et aménagés par l'homme, dans le seul but de briser et de rayer des rangs de l'humanité d'autres hommes, grâce à l'utilisation des techniques industrielles les plus avancées et avec une obsession constante de "productivité" afin que soit respecté au mieux le calendrier de l'extermination ?
Il fallait néanmoins "dire". Dire ce que chacune, chacun d'entre nous voulait (ou pouvait) "dire". Chacune, chacun à sa façon, par les mots, par l'image. Les photos qui illustrent les mots ont toutes été réalisées par les élèves de la classe ou par moi-même, dans des conditions singulières. Montrer aux autres, certes, les interpeller, mais  interpeller aussi sa propre conscience.
                                                                                                                      (P.S.)


" Ce n'est pas sans appréhensions que l'on part pour Auschwitz.

Les professeurs, qui sont des enfants de l'après-guerre, ont pu très tôt rencontrer des rescapés des camps; et déchiffrer, incrédules, les signes bleus qu'on
lisait sur leur bras. Des histoires familiales gardaient aussi la mémoire de l'un des leurs, un résistant qui avait fait sauter des trains et qui, par ironie tragique, avait roulé pendant des jours dans un convoi de la mort.

Mais ces enfants de l'après-guerre ne savaient rien de la Shoah ! Ils l'ont découverte à l'âge adulte et ils ne se souviennent plus très bien de quelle façon: en lisant un livre (de Samuel Pisar ?) ou en regardant à la télévision la série américaine qui vulgarisa un nouvel emploi du mot
holocauste ?

Lorsqu'ils ont engagé leurs élèves dans ce "travail de mémoire", ils savaient que ceux-ci connaissaient l''existence des chambres à gaz et la politique d'extermination des nazis.. Mais un voyage sur les lieux mêmes de l'horreur ne risquait pas de se confondre avec un simple savoir.

Il fallaitr donc les préparer et se préparer, d'abord en regardant des images: des clichés tirés des archives nazies et une documentation alliée qui ont ouvert et "nettoyé" les camps en 1945.
L'esprit a visé à travers ces images les silhouettes, les corps décharnés et les squelettes de victimes disparues, qui, toutefois, se sont présentées à notre conscience pour  s'inscire dans la mémoire.
Il fallait voir ces images pour
habiter le site d'Auschwitz.

                                                                                           ****
On peut éprouver , ce matin, en pénétrant dans le camp de Birkenau destiné à l'extermination des Juifs, une sorte de terreur sacrée et pourtant tout est étrangement calme.



Les rails de Birkenau

On chuchote dans les baraques et l'on écoute le guide, une Polonaise qui nous aide à nous situer dans l'espace et comprendre que nous mettons nos pas dans les pas de ceux qui marchaient à la mort
L'imagination travaille et se trouble à vouloir - et à ne pas vouloir - s'identifier, un instant, à des victimes que nous ne connaissons pas et qui pourtant nous bouleversent tant.


                                                                           Les vestiges du Krematorium V de Birkenau

En regardant des photographies arrachées aux victimes quand les S.S. les dépouillaient, on s'étonne naïvement de constater à quel point  ces photos d'enfants,  de couples jeunes ou vieux, ressemblent à celles de nos albums de famille                                                                               Zentralsauna de Birkenau . Mur des photos





L'après-midi, nous passons sous le fameux portail d'Auschwitz I et nous découvrons ce camp uù furent exterminés les représentants de l'élite intellectuelle polonaise, ainsi que les opposants politiques. Il s'agit d'anciennes casernes. Encore des photos qui veulent résister à l'oubli. Derrière des vitrines, des monceaux de cheveux et d'effets d'enfants, des boites vides de
Zykon B. Enfin, un complexe de mort industrielle, chambre à gaz et crématoire."

L'extermination massive des Juifs dans les chambres à gaz semble encore aujourd'hui la plkus violente interpellation faite aux hommes qui s'engourdissent dans l'individualisme et le mépris des autres"

                                                                                                                                                         
          (F. P.)



Stèle de l'Etat d'Israël. Auschwitz I
            


Quelques mots d'élèves.

 Birkenau

    "Dès la descente du bus, les clôtures de barbelés, les miradors nous plongent , brutalement, dans une ambiance pesante.L'entrée du camp glace le dos. Quelle attitude adopter ? Sortir l'appareil photo et prendre des clichés ? Ne serait-ce pas déplacé en ces lieux ? Il faut quand même montrer aux autres, se prouver à soi-même que l'on y était et que l'on a vu de ses propres yeux..."





   " En franchissant l'entrée, j'ai l'impression d'être plongée au coeur de Nuit et Brouillard . Curieuse impression de déjà vu, puisque cette image figure dans de nombreux livres, mais le choc, quand même."


                                                                                                         
    "Une fois dans le camp, ce qui me surprend, c'est l'immensité des lieux. Des lieux étrangement calmes. Des lieux où tout fut froidement pensé et organisé pour exterminer le maximum de victimes"

                                                                                                   

    "En pénétrant dans le baraquement où dormaient les déportés, une impression de malaise, amplifiée par le récit des effroyables conditions de vie, de survie, que nous livre Monsieur Zylbermine, le rescapé qui nous accompagnait. Un témoignage qui donne à la visite  toute sa signification. Sa simple parole nous a transmis l'horreur des lieux "



Auschwitz I

    "Des premières impressions paradoxales. Ce camp destiné à faire souffrir et à tuer a des allures de quartier résidentiel, de petit village, avec de jolis arbres, des façades rénovées, et, parfois, un rayon de soleil"

     "Mais très vite un silence pesant à la vue de tous ces bâtiments qui ont connu des horreurs indescriptibles, le sous-sol du bloc 11, ces cachots minuscules où l'on ne pouvait s'asseoir, ces cellules où furent gazées les premières victimes, où certaines moururent de faim, ce mur des exécutions...
   
    "Cette montagne de cheveux , de paires de lunettes, de chaussures, de valises, ces vêtements d'enfants, cette popupée cassée, ces photos...Conserver ici tout ce que les nazis n'ont pas réussi à détruire, faire comprendre concrètement les conséquences terrifiantes de leur horrible entreprise...

            

Essai de bilan...

    "C'est une expérience difficile, mais il fallait y aller, me rendre compte par moi-même. Tous les films, toutes les photos ne peuvent communiquer la démesure d'une telle folie humaine, encore la dimension de cet abattoir industriel"

    "Même si je savais où j'allais et que je connaissais un peu l'histoire, être là-bas, ce n'est jamais la même chose.On y ressent un silence funèbre, comme si on allait à un enterrement de millions de personnes en même temps, mais ici ces personnes n'ont pas de tombe. Ne jamais oublier ce qui s'est passé là-bas, transmettre l'expérience que nous y avons vécue, , et surtout rappeler à tous que cette histoire ne doit jamais se répéter"


Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :